dimanche 4 octobre 2009

Ecueil Recueil Cercueil


De la crème sur mon corps, j'ai étalé consciencieusement, comme me le faisait ma mère en Afrique. Pot bleu, sensation métal moite, parfum de toujours. Il faut que je me dépêche de l'aimer, cette maman méconnue.


J'ai séché mes cheveux allongés pour un rôle, depuis je n'ai pas osé les couper. L'homme qui dort à côté de moi les aime longs. Le jour où je ne voudrai plus l'aimer, je me ferai garçonne. Les cheveux c'est du temps. Du temps poilu. Un prétexte de gestes efféminés et de caresses gracieuses. Ou bien d'empoignades cochonnes. Quand je les coupe court, c'est que je veux abolir des moments, mettre entre parenthères quelques amertumes de vie. Laisser respirer la nuque, derrière la tête, le passé.


J'ai vu ma mère tout-à-l'heure. Il faut que je vous dise. Elle est malade dans sa tête. Je me suis rendu compte qu'elle était toujours amoureuse de mon père dix-huit ans après sa mort. Elle a donc atteint la majorité de l'amour-deuil.

J'apprend à l'écouter, à rire de ses histoires sans pleurer. Elle raconte des choses pas possibles, des anecdotes à base de lutins, quand elle fume une clope elle communique avec une troisième dimension, elle dort toute la journée.


- Je t'aime comme un lendemain de cuite : tu me fais culpabiliser, tu me donnes envie de gerber, envie de dormir, envie de fuir. Et envie d'aller loin. D'enjamber les montagnes khâgneuses de mes jambes russes.


J'ai balancé cette phrase avec les yeux mitraillette, aucun son hors de ma bouche. Je me suis levée de son lit idiot, j'ai laissé son corps inerte rebondir sur la couette aux motifs enfantins. Claque la porte. Démarre le scoot. Seule enfin. Le notaire m'appelle. Stop le scoot. Il me dit que je dois faire signer un papier à ma mère autorisant la vente d'un appartement de famille, ce qui lui permettrait d'avoir plus d'argent, ce qui me permettrait de moins avoir l'impression d'en avoir trop. Je raccroche.


Où aller? chez Lui. Non. C'est chiant une fille triste. Calme toi. Quand tu pleures tes yeux ressemblent à des paupiettes de veaux. Puis c'est dangereux la pluie dans les yeux quand tu roules. Merde j'ai loupé une priorité à droite. L'assurance a déjà assez casqué. Klaxons. Insultes. J'éclate de rire à 45km/h. Je suis heureuse d'être vivante.



(à suivre...)




2 commentaires:

  1. Comme la suite se fait attendre...
    Rafraîchissants sont tes poèmes. L'être mutin qui écrit est tenu en haleine. :)

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  2. On voudrait en lire plus, connaître la suite, d'autres moments... c'est très beau

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